Un an après, où en est le rapport Grandguillaume ?

Le 17 décembre 2013, Laurent Grandguillaume publiait son rapport sur les entrepreneurs individuels.On y trouvait une analyse des statuts juridiques de l’entreprise individuelle, des régimes forfaitaires et réels, un comparatif des droits sociaux portés par le RSI… Dans l’ombre du projet de réforme simpliste et contreversé de Sylvia Pinel, ce jeune député de Côte d’Or avait réussi le tour de force de mettre les auto-entrepreneurs et les artisans d’accord.

Les principales recommandations d’alors étaient :

  • le maintient du principe « pas de CA, pas de cotisation sociale (ni de droits à la retraite) »
  • le maintient des seuils de sortie du statut d’auto-entrepreneur
  • le maintient de la franchise en base de TVA pour les auto-entrepreneurs
  • l’obligation pour les auto-entrepreneurs du bâtiment de s’assurer comme un artisan
  • la fusion de toutes les formes d’entreprises individuelles
  • le remplacement du prélèvement libératoire par un acompte à l’IR afin d’éviter les effets de seuil
  • la mutation de la CFE et la CFP en taxes proportionnelles au CA pour les entreprises individuelles
  • l’accompagnement progressif vers le régime réel

En 2015, les cotisations minimales pour les entrepreneurs au réel seront réduites et appelées dès l’année N+1. Les dispositions spécifiques au maintient des seuils du statut et à l’obligation d’assurance des auto-entrepreneurs ont été reprises dans la loi Pinel. On note également la fusion du micro-social et micro-fiscal en un seul régime de la micro-entreprise par décret, au plus tard le 1er janvier 2016.

Les propositions d’accompagnement vers le réel et de réforme de la CFE n’ont pas été retenues. La proposition emblématique (car non politique mais structurellement simplificatrice) de fusion des statuts juridiques de l’EI est en cours d’instance au ministère de la justice.

Le rapport de Laurent Grandguillaume aura donc permis de stabiliser et sécuriser un dispositif favorisant l’esprit d’entreprise et de tracer les grandes lignes des prochaines évolutions. Ces réformes structurelles restent à faire. Outre la fusion des statuts juridiques de l’EI et la fin du prélèvement libératoire de l’IR, on pourrait ajouter la fusion des Centres de Formalité des Entreprises dont la lecture est pour le moment complexe et peu convaincante.

Le G.Fast normalisé, problèmes de concurrence en perspective ?

Aujourd’hui Silicon.fr m’apprend que le G.Fast vient d’être normalisé par l’ITU. Pour rappel cette norme permet d’apporter un débit descendant d’environ un gigabit par seconde en utilisant une paire de cuivre sur les derniers mètres. Le réseau de distribution d’Orange étant de bonne qualité sur notre territoire, cela pourrait permettre aux opérateurs de proposer du très haut débit (débit descendant >= 30Mbps) en déployant de la fibre optique sur la partie amont du réseau sans avoir à rentrer dans les logements. Or c’est bien cette dernière étape qui est la plus longue et la plus coûteuse.

Quel sera l’impact réel de cette normalisation. En France, les opérateurs ne peuvent utiliser des technologies sur la boucle locale d’Orange qu’après autorisation du comité d’experts cuivre de l’ARCEP. Cette étude vise notamment à s’assurer que les signaux générés par les nouvelles technologies n’ont pas d’impacts négatif sur les lignes voisines. Dans le cas de VDSL2, il a fallu presque dix ans entre sa normalisation et l’autorisation d’exploitation par les FAI français. Pourquoi ? Je ne sais pas. La concurrence avec les réseaux fibrés pose peut-être des questions plus politiques.

Imaginons que l’ARCEP donne son accord et que des FAI soient intéressés. Ceux-ci doivent donc déployer de la fibre au plus près des logements pour ensuite installer un convertisseur opto-électrique à moins de 250 mètres (où le débit descendant chute à 150 Mbps) de la prise téléphonique des futurs abonnés. En admettant que ces convertisseurs soient fiables, durables et alimentés électriquement par le modem de l’abonné, la robustesse du réseau ne devrait pas trop en souffrir. Ma grosse interrogation concerne la concurrence entre opérateurs.

Si pour un même logement, tous les opérateurs ne disposent pas de fibres optiques dans le quartier, seulement certains pourront proposer du G.Fast. Lors d’un changement d’opérateur il faudra donc potentiellement déplacer un technicien pour rebrasser la ligne cuivre sur la collecte cuivre au point de distribution, ce qui semble très couteux. Pour éviter ce problème, on pourrait demander à Orange de mettre à disposition son réseau fibre pour le G.Fast. Se posent alors deux autres problèmes :

  • par soucis de place dans ses fourreaux et dans les NRO mais aussi par économie d’électricité(puissance des lasers) et de fibre, Orange a décidé de déployer du GPON. Chaque fibre est donc mutualisée (pour au plus 64 abonnés) en amont du point de mutualisation. Si le GFast utilise son réseau fibre, il ne sera plus possible pour les autres opérateurs de dégrouper physiquement les lignes, sauf à déployer leur réseau jusqu’au PM. Or on l’a bien vu lors de la règlementation du FTTH, l’accès à un support physique non mutualisé est une condition nécessaire à la concurrence saine entre opérateurs.
  • pour imposer aux opérateurs tiers d’utiliser la fibre Orange en amont du point de distribution, l’accès à l’ensemble de cette boucle local ne doit pas leur coûter plus cher qu’actuellement. Cela revient donc à imposer qu’Orange finance la fibre au prix de la maintenance de la boucle cuivre… alors que dans le modèle actuel Orange peut potentiellement facturer l’accès à sa boucle locale fibre bien plus cher.

Ce problème de concurrence risque d’apparaitre même sans le G.Fast : Orange a indiqué ne plus installer de ligne de cuivre dans les immeubles neufs désservis par son réseau fibre… même si ses concurrents n’en ont pas. Ce n’est que le début de la très lente extinction cuivre qui sera impactée par les recommandations de la mission Champsaur.

Je en sais pas exactement comment ni quand sera réellement utilisé le GFast sur nos lignes. Pour le moment le marché doit composer avec la fusion Numéricable/SFR/VirginMobile, un possible dégroupage du réseau FTTLA (fibre/coaxial sur un arbre DOCSIS 3.0) de Numéricable et un redécoupage des cartes de déploiement fibre entre Orange et NC-SFR.

Louvois : suite de la success story

Pour rappel, Louvois est le calculateur inter-armées initié dans le cadre du programme SOURCE qui visait à centraliser le calcul de la solde auparavant dévolu aux différents SIRH du ministère de la défense. Il devait constituer un point d’étape vers l’ONP. Le calculateur n’étant pas suffisamment éprouvé face à la complexité du système indemnitaire de solde, il génère de nombreuses erreurs de paiement depuis trois ans. Les trop versés continuent de s’accumuler en 2014 : 14 millions dans la Marine, 14 au service de santé des armées, plus une partie des 200 millions cumulés sur 2013/2014 pour l’armée de Terre.

Comme l’indique cet article, Accenture/CGI, Atos/Steria et Sopra viennent de réaliser un démonstration du calculateur qui remplacera l’outil actuel. Le dialogue compétitif de Louvois 2, débuté en début 2014, devrait aboutir à une mise en production courant 2015 pour une bascule complète au plus tôt en 2017. Entre les deux est sensée intervenir une période de paye en double… enfin il faudrait plutôt dire en triple car comparer les pré-liquidations de Louvois 2 à Louvois 1 ne sera pas suffisant. Il faudra faire une passe manuelle étant donné qu’il n’y aura pas de système de référence fiable.

Il faudra également composer avec la fusion concomitante des SI de chaque armée au travers du programme Source (Louvois n’est « que » le calculateur de solde).

Hasard du calendrier, cette démonstration intervient quelques jours après la bascule de la première vague de population dans le nouveau SIRH (SIRHEN) de l’éducation nationale. Après deux phases d’homologation par la DGFiP au printemps (pas totalement dépourvue d’erreurs), la subdivision de la première population migrée en deux sous-vagues et le report d’une montée de version au printemps prochain… l’année probatoire du programme (audit Neoxia/Deloitte) sera-t-elle validée ? SIRHEN sera-il le prochain programme jeté dans l’abîme ?

Et les transformations informatiques sur le plan RH ne sont pas terminées ! Au programme des prochaines années : la conversion iso-fonctionnelle de PAY (conversion semi-automatisée du code COBOL/Pacbase en Java avec BluAge), l’intégration des populations payées dans ETR (agents en poste à l’étranger) dans PAY, l’enrichissement des fichiers retour post-liquidation, la prise en compte du noyau RH-FPE v5, la création d’une base décisionnelle des trois fonctions publiques, le passage à la DSN fonction publique, l’alimentation du RGCU par le service des retraites de l’État…

MAJ 08/12/2014 : comme l’indique l’article Wikipedia relatif à Louvois, ce qui est appelé Louvois 1 ci-dessus est en fait la troisième version de la trajectoire Louvois. Plus de détails sur le programme.