Petit point sur la DSN

C’est fait ! Une première vague d’entreprises et de tiers déclarants a été obligée de déposer pour la première fois une DSN concernant les salaires versés en avril et déclarables au 5 ou au 15 mai.

Cet article fait écho à celui-ci ou encore celui-là.

Sommaire :
Bref historique du projet
Quelles évolutions techniques pour cette norme ?
Vers une évolution structurelle pour la DSN : le transfert du calcul des cotisations
La DSN est un des outils pour construire le système de demain
La simplification du bulletin de paie : un cache-misère contre-productif

Bref historique du projet

Pour rappel, la déclaration sociale nominative est un dispositif visant à simplifier et harmoniser la collecte des données sociales auprès des employeurs. En projet depuis une quinzaine d’années, son point de départ législatif est la loi Warsmann promulguée en mars 2012 et prévoyant sa généralisation au premier janvier 2016 à tous les employeurs de droit privé (procédures alignées des régimes spéciaux comprises).

Sa construction s’est déroulée en trois étapes permettant une augmentation graduelle de la couverture fonctionnelle en phase avec un processus de normalisation regroupant de très nombreux acteurs de la protection sociale en France. On distingue la DSN de la norme NEODeS qui permet son implémentation technique dans les logiciels de paye. Un premier cahier des charges avait été produit à l’été 2012(que j’avais d’ailleurs implémenté dès novembre 2012 sur Odoo, encore nommé à l’époque OpenERP) puis un second portant les informations des DUCS URSSAF en 2013 et enfin un troisième élargissant le dispositifs aux autres DUCS.

La phase trois portant sur ce dernier cahier des charges sera lancée cet été. Nous sommes donc sur la bonne voie. Quelques points restaient encore à éclaircir lors des rencontres éditeurs en début d’année :

  • une question quant à l’impossibilité de renseigner le montant des exonérations (page 6 du compte rendu)
  • un taux d’erreur important lors de la reconstitution du salaire pour le calcul des IJSS (page 88/89 du support)
  • netEntreprise indique que 3% des déclarations ont rencontré des problèmes lors du dépôt de mai 2015

Soulignons également la complétude de la norme qui va jusqu’à prendre en charge avec souplesse la diversité des instituts de prévoyance tiers.

Quelles évolutions techniques pour cette norme ?

Certaines évolutions à moyen termes sont déjà perceptibles :

  • L’intégration de la DPAE (ex-DUE). Dans son rapport annuel 2013, le Comité de normalisation des données sociales propose d’intégrer la DPAE dans un message signalement d’intention d’embauche au sein de la DSN.
  • La Déclaration d’Accident du Travail : il serait logique que les données jusqu’ici fournies par une norme spécifique à la CNAMTS (ou par formulaire papier) soient reprises dans la DSN alors que la subrogation des IJSS en cas d’arrêt maladie est déjà supportée.
  • La prise en charge des nombreuses spécificités du secteur public sont actuellement étudiées par un groupe dédié de la caisse des dépôts (ici ou ). Un récent projet d’ordonnance semble orienter l’intégration de ces populations à horizon 2020. Les récents échecs des programmes RH Louvois, ONP et l’incertitude du programme SIRHEN ne sont probablement étrangers à ce délais particulièrement important.
  • La suppression des codes type personnel : actuellement la DSN reprend les CTP issus de la DUCS URSSAF. Ces agrégats semblent superflus et pourraient être supprimés dans les années à venir. La cohérence technique des données pouvant être assurée plus simplement.
  • La généralisation de l’usage du NIR pour identifier les salariés. Actuellement la norme spécifie pour chaque OPS si un numéro d’identification supplémentaire doit être porté par la norme (ex : donnée S21.G00.81). Par nature le NIR est destiné à la sphère sociale. C’est le rôle de chaque OPS de gérer une table de trans-codage transitoire si elle lui est techniquement indispensable.
  • L’accession gratuite et simple des entreprises à un dispositif de dématérialisation des fiches de payes. Le « coffre-fort électronique » dont parlent de nombreux tiers de confiance commerciaux pourrait facilement être assuré par l’ACOSS. Il ne s’agit après tout que de stocker des PDF (voire des fichiers XML ré-exploitables) et d’en garantir l’intégrité dans le temps…
  • Le passage au format XML : le cahier des charges de la phase 2 a introduit une notation sémantique des champs, les expressions régulières des contrôles reprennent la syntaxe XMLSchema et les fichiers de contrôles comme la structure de la norme sont eux-même en XML. Cela permettrait aux éditeurs de contrôler les fichiers à envoyer en contrôlant directement le respect du schéma XML dans leur programme plutôt que d’appeler un outil de contrôle externe.

Vers une évolution structurelle pour la DSN : le transfert du calcul des cotisations

Au delà ces changements techniques, la plus grosse avancée serait de déporter le calcul des cotisations sociales de l’entreprise vers les OPS. Comme l’expliquait Renaud Vatinet dans sont article La DSN : Quand la protection sociale entre dans une nouvelle ère, les informations portées par la DSN permettraient aux organismes de recouvrement de calculer l’ensemble des cotisations dues puis de retourner ces montants à l’entreprise qui pourrait si elle le souhaite vérifier les calculs.

Le régime agricole, au travers de la déclaration trimestrielle des salaires permettait jusqu’ici le pré-calcul des cotisations et leur appel chiffré. La MSA se positionne donc d’une certaine manière en précurseur sur ce sujet. J’avoue cependant ne pas comprendre comment était assurée la cohérence entre les appels trimestriels et les cotisations apparaissant sur les fiches de paie mensuelles des salariés…

Ce calcul déporté est un enjeu majeur pour le bien de notre système social. Une étape intermédiaire est possible : la création d’un répertoire unique et exhaustif des règles de calcul des cotisations et des exonérations. Là où logiciels de paye gèrent la complexité de la paie en ventilant les salariés par profiles de paye, il serait envisageable que les OPS créent et maintiennent un profil unique et un algorithme (abstraits via des fichiers XML et XSLT ?) permettant de calculer l’ensemble des lignes du bulletin de salaire de n’importe quel salarié Français (de droit privé). Les logiciels de paie privés continueraient à effectuer de manière autonome les calculs en exécutant scrupuleusement les règles de cette base. C’est techniquement moins complexe que la répartition des calculs entre tous les OPS mais cela apporte une bonne partie de la valeur attendue et donne une visibilité concrète pour piloter les futures réformes.

Une attention particulière devrait être portée :

  • à la gestion annualisée au fil de l’eau (plus de régulation en janvier n+1) du plafond de la sécurité sociale et autres cumuls du même type le cas échéant
  • à l’enrichissement du répertoire commun des déclarants, du RIE de l’ACOSS et du RNE de la MSA avec les données portant sur les zones géographiques sujettes à exonération de cotisations
  • aux interactions entre les conventions collectives et le calcul des cotisations sociales le cas échéant
  • à la prise en compte au plus tôt de cet objectif dans le développement de Cléa, futur système de recouvrement des URSSAF replaçant le SNV2

Reste à voir s’il est plus simple pour les OPS de supporter la complexité technique de répartition des calculs (chacun dans son coin avec synchronisation en temps très contraint/temps réel) ou bien de se mettre autour d’une table pour créer cette base de règles faisant référence et opposable.

La DSN est un des outils pour construire le système de demain

La DSN peut être vue comme une couche d’abstraction à la complexité historique de notre système de protection social. Un peu comme SESAM-Vitale pour l’assurance maladie, il permet de simplifier la vie des citoyens et des entreprises, de rendre plus efficients les OPS… et de redonner des leviers de réforme aux pouvoirs publics. En normalisant les relations entre les administrations et les tiers, de potentielles fusions ou transferts de compétences sont rendues un peu plus abordables.

Parmi les réformes très politiques envisageables qui tireraient un avantage de la DSN, on peut notamment citer :

  • le recouvrement des cotisations de retraite complémentaires du régime général par l’URSSAF
  • le rapprochement (fusion ou adossement) des régimes maladie préconisé par l’IGAS ou la convergence vers un régime maladie universel
  • la question complexe du prélèvement de l’IR à la source (ce qui suppose une individualisation de l’impôt et une phase transitoire complexe) qui pourrait être traitée en parallèle d’une hypothétique fusion de l’IR et de la CSG
  • la liquidation et le versement unique des pensions de retraite vers lesquels tend la toute nouvelle Union Retraite voire le rapprochement des régimes de retraite
  • la mensualisation des droits à la retraite
  • le rapprochement entre l’ACOSS et la DGFiP qui ont des besoins fonctionnels en partie similaires bien que la séparation entre les sphères fiscale et sociale soient très ancrées dans notre culture. On voit d’ailleurs que la DSN sert déjà de véhicule technique pour des données fiscales (notamment pour l’établissement de la CVAE).
  • l’abrogation de toute spécificité légale ou règlementaire de l’Alsace-Lorraine issue du rattachement à l’Allemagne entre la guerre de 1870 et la première guerre mondiale
  • la soumission des organismes paritaires aux PLFSS
  • le recalcul mensuel des droits sociaux et notamment ceux de la branche famille (même si la non disponibilité de ces données à rythme mensuel pour les indépendants risque de créer une inégalité de traitement inconstitutionnelle)
  • la diminution du non recours avec peut-être un jour la liquidation automatique des prestations sociales et un contrôle a priori de leur bonne répartition… voire même leur entrée dans l’assiette des revenus imposables

La simplification du bulletin de paie : un cache-misère contre-productif

Si la création de la DSN est le premier pas d’une démarche salvatrice pour le symbole de notre solidarité nationale, d’autres initiatives soit disant simplificatrices me semblent particulièrement contre-productives. La plus médiatique concerne la pseudo simplification du bulletin de paye.

Le gouvernement envisage en effet de regrouper les lignes de cotisation ayant trait au même domaine de protection sociale (maladie, retraite, chômage, famille) sur les bulletins de salaire.

Regrouper ces lignes est un cache misère grossier :

  • les entreprises devront continuer à calculer le détail de ce quelles doivent au titre des différentes cotisations et aux multiples OPS mais elles devront en plus calculer l’agrégat imprimé sur la fiche de paie
  • le regroupement de ces lignes complexifie la vérification des calculs par le salarié, ce qui est sensé être le fondement du bulletin de salaire
  • le regroupement des cotisations versées à des opérateurs publics et des assureurs privés à but lucratif (part complémentaire) encourage au désengagement de l’État
  • chaque cotisation représente un devoir, pendant d’un droit social acquis au cours des cinquante dernières années.
  • pour ce qui est de l’argument écologique : mieux vaudrait laisser aux URSSAF la création d’un espace en ligne permettant l’accès gratuit aux bulletins de salaires dématérialisés plutôt que de récréer une usine à gaz imposant aux entreprises de payer un tiers de confiance.
  • faire croire aux citoyens que le système de protection sociale est lisible au lieu de le réformer en profondeur ne serait qu’une magouille politique lamentable. Autant ne rien faire.

D’autre part, ce projet remet en question l’affichage de la part patronale des cotisations sur le bulletin de salaire. En tant que salarié je trouve indispensable de savoir combien je coute à mon employeur. Plutôt que de supprimer des informations, il vaudrait même mieux à terme faire apparaitre sur ce bulletin les réductions d’impôts comme le CICE ou à minima les exonérations (explicitées en DSN) qui pèsent sur nos finances publiques mais visent à améliorer notre compétitivité.

Tout cela pousserait peut-être à rationaliser le système tout en rendant l’information plus lisible pour le salarié et les calculs plus simples pour les entreprises. Les seuls perdants : les intermédiaires faisant leur beurre de la complexité déraisonnable du système ; qui restent malheureusement indispensables aujourd’hui.

Un an après, où en est le rapport Grandguillaume ?

Le 17 décembre 2013, Laurent Grandguillaume publiait son rapport sur les entrepreneurs individuels.On y trouvait une analyse des statuts juridiques de l’entreprise individuelle, des régimes forfaitaires et réels, un comparatif des droits sociaux portés par le RSI… Dans l’ombre du projet de réforme simpliste et contreversé de Sylvia Pinel, ce jeune député de Côte d’Or avait réussi le tour de force de mettre les auto-entrepreneurs et les artisans d’accord.

Les principales recommandations d’alors étaient :

  • le maintient du principe « pas de CA, pas de cotisation sociale (ni de droits à la retraite) »
  • le maintient des seuils de sortie du statut d’auto-entrepreneur
  • le maintient de la franchise en base de TVA pour les auto-entrepreneurs
  • l’obligation pour les auto-entrepreneurs du bâtiment de s’assurer comme un artisan
  • la fusion de toutes les formes d’entreprises individuelles
  • le remplacement du prélèvement libératoire par un acompte à l’IR afin d’éviter les effets de seuil
  • la mutation de la CFE et la CFP en taxes proportionnelles au CA pour les entreprises individuelles
  • l’accompagnement progressif vers le régime réel

En 2015, les cotisations minimales pour les entrepreneurs au réel seront réduites et appelées dès l’année N+1. Les dispositions spécifiques au maintient des seuils du statut et à l’obligation d’assurance des auto-entrepreneurs ont été reprises dans la loi Pinel. On note également la fusion du micro-social et micro-fiscal en un seul régime de la micro-entreprise par décret, au plus tard le 1er janvier 2016.

Les propositions d’accompagnement vers le réel et de réforme de la CFE n’ont pas été retenues. La proposition emblématique (car non politique mais structurellement simplificatrice) de fusion des statuts juridiques de l’EI est en cours d’instance au ministère de la justice.

Le rapport de Laurent Grandguillaume aura donc permis de stabiliser et sécuriser un dispositif favorisant l’esprit d’entreprise et de tracer les grandes lignes des prochaines évolutions. Ces réformes structurelles restent à faire. Outre la fusion des statuts juridiques de l’EI et la fin du prélèvement libératoire de l’IR, on pourrait ajouter la fusion des Centres de Formalité des Entreprises dont la lecture est pour le moment complexe et peu convaincante.

Entreprises et dématérialisation

Faisons un petit point sur les possibilités de dématérialisation des entreprises françaises.

Domaine bancaire

  • ISO20022 : norme des fichiers XML permettant les virements (SDD) et prélèvements(SCT) bancaires. Obligatoire pour les paiement libellés en euros au sein de la zone SEPA depuis le 1er février 2014(tolérance des formats nationaux jusqu’en août 2014). http://www.iso20022.org/
  • EBICS : protocole de transport des fichiers ISO20022. Utilise une PKI sur du HTTPS. http://www.ebics.org/
  • Les fichiers de restitution des opérations bancaires (relevés de comptes…) ne sont pas concernés par la deadline du 1er février 2014. Leur format est défini contractuellement avec la banque.

Domaine social

Gestion des salariés « classique »

  • DSN (Déclaration Sociale Nominative) utilisant la norme NEODES (norme d’échange optimisée des déclarations sociales) : remplacera la DADS-U pour la plupart des entreprises mi-2015 et pour les autres en 2016. Cette déclaration mensuelle sera intégrée au processus de paie. http://www.dsn-info.fr/
  • DPAE (Déclaration Préalable À l’Embauche) ancienne DUE : EFI ou EDI sur le site http://www.net-entreprise.fr/. Depuis le 1er janvier 2013, les entreprises, qui ont adressé plus de 500 déclarations d’embauche en 2012, ont l’obligation de dématérialiser leur DPAE. Cahier des charge des fichiers non publié. La DPAE sera probablement remplacé d’ici quelques années par un message « Intention d’embauche » au sein de la DSN.
  • La DOETH : EFI et EDI sur le site TéléDOETH du Ministère du Travail. La DOETH sera probablement remplacée par la DSN d’ici quelques années.
  • DAT (Déclaration des Accidents du Travail) : soit en EFI soit en EDI sur http://www.net-entreprise.fr/. Le CDC EDI est disponible sur la page suivante : http://www.ameli.fr/l-assurance-maladie/documentation-technique/declaration-d-accident-du-travail-en-mode-edi.php

Gestion simplifiée des salariés

Déclaration du dirigeant en nom propre

  • Déclaration des Revenus Professionnels de la MSA pour les non-salariés agricoles (ie les exploitants) : message EFI ou EDI.
  • Déclaration Sociale des Indépendants (ex DCR) pour les non-salariés non agricoles : disponible en EFI sur le site du RSI et NetEntreprise et éalement en EDI (format EDIFICAS).
  • Déclaration de chiffre d’affaire de l’auto-entrepreneur permettant le calcul des cotisations aux régimes micro-social simplifié, micro-entreprise (fiscalité entreprise) et l’option de prélèvement libératoire de l’IR. Disponible en EFI sur le site dédié au statut.

Domaine fiscal

Domaine de la commande publique

Il existe six possibilités pour dématérialiser les factures payables par un service de l’État :

  • saisie directement sur le portail chorus-factures.budget.gouv.fr
  • dépôt de factures au format PDF sans signature
  • dépôt de factures au format PDF avec signature
  • dépôt de factures au format XML (UBL Invoice ou UN/CEFACT
  • échange EDI via un opérateur de dématérialisation fiscale
  • échange EDI direct entre le fournisseur et l’Etat

Notez que la commission européenne souhaite harmoniser les formats de fichiers permettant la dématérialisation des factures issues des commandes publiques : http://ec.europa.eu/internal_market/publicprocurement/e-procurement/e-invoicing/index_fr.htm

La dématérialisation des factures va vraisemblablement se généraliser progressivement au cours de la prochaine décennie, tant dans la commande publique que dans les échanges entre acteurs privés. Le cabinet EY vient de publier un livre blanc sur le sujet : http://www.ey.com/FR/fr/Services/Advisory/livre-blanc-EY-dematerialisation-des-factures-fournisseurs

Domaine des douanes

À ces domaines transversaux s’ajoutent des protocoles spécifiques aux domaines métiers de chaque entreprise par exemple :

  • médecins et pharmaciens : flux SESAM-VITALE
  • buraliste/maisons de la presse : protocoles de Presstalis et  Logista France
  • grande distribution : normes du GS1
  • automobile : ODETTE

Oui à la dématérialisation, non à l’impôt logiciel !

Je suis un grand fan de la dématérialisation. J’ai commencé à faire de la vieille technologique depuis mes 15 ans sur le sujet. Je suis persuadé que c’est un élément indispensable pour la modernisation et l’efficacité des fonctions publiques… quand elle est menée correctement.

Le constat

Depuis plusieurs années, les entreprises françaises passant un certain seuil de CA ou d’imposition doivent déclarer et/ou payer tout ou partie de leurs impôts et autres charges sociales de manière dématérialisée. Ce seuil est abaissé chaque année afin de faire entrer progressivement les entreprises plus modestes dans le dispositif. Toutes les entreprises devront déclarer et payer tous leurs impots de manière dématérialisée à partir d’avril 2015. C’est selon moi une très bonne initiative. Là où le bas blesse c’est que ce passage du papier à l’immatériel a un coût qui me parait en partie injustifié.

Globalement trois solutions s’offrent à une entreprise:

  • passer par un tiers déclarant, typiquement un expert comptable
  • utiliser un logiciel générant un fichier homologué par l’association EDIFICAS puis choisir une entreprise homologuée par la DGFIP (un tiers de télétransmission ou partenaire EDI) pour transmettre le fichier à la DGFIP
  • utiliser directement la plateforme web d’un partenaire EDI qui s’occupera alors à lui seul de générer et transmettre le fichier

Si elle souhaite gérer elle-même ses déclarations d’impôts, une entreprise doit débourser beaucoup d’argent. Après avoir étudié quelques exemples, cela coûte entre entre 110 € et 900€ selon le chiffre d’affaire de la société et la solution choisie. Cela ne comprend que la création et la transmission de la liasse fiscale, ce à quoi il faut ajouter la CVAE, la TVA, EDI-REQUETE et les télépaiements.

Afin de ne pas alourdir le corps de l’article, je repousse le détail de ces exemples en fin d’article.

Les problèmes

Un impôt logiciel

Le premier problème est donc l’impôt logiciel générer par l’obligation de la télédéclaration. Si cela peut paraître dérisoire pour un groupe du CAC-40 c’est moins anecdotique pour une petite structure. Celles-ci ont souvent recourt à un expert-comptable (tiers déclarant) certes, mais ça ne justifie pas cet impôt supplémentaire… surtout quand l’administration met en avant la simplification et les gains pécuniers engendrés par la dématérialisation pour les entreprises.

Des partenaires EDI à l’utilité limitée

À quoi servent les partenaires EDI ? Pas grand chose…

Leur rôle à l’origine était de router les flux vers leurs destinataires (DGFIP, Banque de France, OGA) et de vérifier les messages avant qu’ils ne soient transmis à la DGFIP « afin d’éviter d’allonger inutilement les délais de traitement des dépôts selon la procédure EDI-TDFC » (page 196 du volume IV de la norme TDFC 2012).

Je pense qu’en 2013, la DGFIP pourrait aisément assurer ces deux rôles en permettant aux entreprises de déposer leurs déclarations sur leur compte DGFIP, exactement comme elles (ou leurs tiers déclarants) le font déjà pour leurs déclarations sociales sur le portail public et gratuit NetEntreprise. La toute nouvelle déclaration sociale nominative qui sera obligatoire en 2016 reprend exactement ce fonctionnement. Les logiciels tiers pourront même y déposer les fichiers via un process M2M utilisant des protocoles standards et ouverts.

Cette fragmentation des partenaires EDI engendre des difficultés pour les cabinets d’expertise comptable ou les OGA : si l’on veut transmettre sa liasse à un autre partenaire, il semblerait que celui-ci doit adhérer au même portail(au même partenaire EDI).

Une démarche d’homologation lourde

Actuellement étudiant en école d’ingénieur, je suis passionné par le logiciel libre depuis bien longtemps. Je suis également attiré par la gestion d’entreprise et leurs systèmes d’information. J’envisage de travailler pour une société de services en logiciels libres proposant des services autours d’Odoo (anciennement OpenERP) ; un logiciel de gestion libre.

J’ai donc commencé à développer(bidouiller serait plus juste) un outil permettant aux petites entreprises de générer leur liasse fiscale (TDFC) au format EDIFICAS qui serait facilement intégrable dans d’autres logiciels libres de gestion.

Quelle fut ma surprise à la lecture des documents de l’EDIFICAS :

  • il n’y a pas moins de 7 normes EDIFICAS, 12 scénarios d’homologation rien que pour la norme TDFC et de nombreuses sous catégories qui en font une norme illisible
  • pour faire homologuer un logiciel permettant de générer un fichier vers le portail d’un partenaire EDI cela coûte au moins entre 500 et 1000 euros (plus si l’on demande un agrément pour plusieurs scénarios) plus des frais annuels supplémentaires.

Cette procédure est donc un frein à l’entrée de nouveaux acteurs et une source de technocratie inutile.

Une norme d’un autre âge

La norme attendue par la DGFIP est fondé sur le standard international UN/CEFACT EDIFACT. C’est un format de fichiers plat complexe à manipuler datant des années 1980. La plupart des champs sont fixés par défaut ou inutilisés et les types de données sont inadaptés.

La sécurisation utilise un système de signature électronique qui oblige toute entreprise voulant elle même transférer ses liasses (et donc elle-même devenir partenaire EDI) à se rendre physiquement auprès de la DGFIP et de suivre une seconde procédure d’homologation auprès de la DGFIP.

Le dictionnaire des « champs » de la DGFIP (ne contenant pas ceux des OGA) est un classeur Excel. Il comporte même des code non-homogènes avec de ceux de l’outil de test ! Il n’y a pas de description des formulaires autre d’un fichier PDF.

La transmission des fichiers se fait via des réseaux privés coûteux et peu courants CFTAxway ou ALTLAS400-TEDECO (norme X400)

Qu’il soit obligé de transmettre de manière dématérialisée ou non, le contribuable doit encore transmettre un formulaire papier à l’administration pour s’inscrire à la dites télé-procédure.

C’est donc une norme lourde à manipuler et à mettre à jour.

Les pistes de solutions proposées

Attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain ! Toute cette infrastructure était probablement adaptée aux début de la création de la procédure TDFC ; à l’époque où les entreprises communiquaient leurs données par bande magnétique ou des réseaux « télématiques » tels que les lignes X25 et Numeris (encore mentionnés dans la norme). À l’heure où l’administration fiscale impose à ses contribuables de se moderniser ; il est urgent qu’elle donne l’exemple et se modernise elle-même avant tout. Dix ans après le début du programme Copernic, il ne faudrait pas baisser le rythme. Quelques propositions :

  • supprimer le formulaire d’adhésion à la télédéclaration
  • permettre aux entreprises de transférer leur fichier TDFC directement depuis leur compte fiscal sur le portail de la DGFIP
    • le mot de passe est sensé assurer l’authentification et la non répudiation
    • le protocole HTTPS standard assure la confidentialité de bout en bout
    • les entreprises économisent le coût du partenaire EDI
    • les tiers déclarants (cabinets d’expertise comptable par exemple) peuvent déclarer pour le compte de leurs client
    • l’administration fiscale effectue tous les contrôles et affiche les compte-rendus en HTML sur le portail (voire aussi par mail en cas de contrôles asynchrones)
    • => exactement comme le fait NetEntreprise depuis plusieurs années
  • supprimer la procédure d’homologation
    • l’administration fiscale fournit un outil de pré-validation aux éditeurs de logiciels
    • la DGFIP s’assure au fil de l’eau que les fichiers importés sont conformes
    • => de la même manière à la DADS-U(norme N4DS) et la future DSN(norme NEODeS)
  • refondre toutes les normes de déclarations fiscales
    • avoir une seule norme et un seul scénario
    • utiliser un environnement XML : un schema XML clair est bien plus pratique(tant pour l’administration que pour les éditeurs et les entreprises) qu’une norme en 8 volumes de 200 pages chacun : cela facilite la création de l’outil de pré-contrôle et la mise à jour de la norme et des logiciels
    • fournir le schema xsd permettant de vérifier automatiquement la structure du fichier XML et un fichier de transformations XSLT permettant ensuite d’effectuer des contrôles métiers (ex : contrôle de la clé d’un SIRET) et de générer un rapport XML listant les erreurs
    • fournir les templates propres des formulaires DGFIP en HTML avec une balise permettant de repérer les groupes de données répétables (au niveau des tableaux notamment)
    • s’appuyer sur le model de la norme NEODeS (norme de la DSN) pour la structuration des niveaux de contrôle et des blocs d’en-être/en-queue
  • permettre le dépôt de fichiers directement directement depuis les logiciels métiers
    • utiliser un protocole standard, sécurisé et largement utilisé sur internet pour le transport des fichiers
    • transmission en HTTPS(WebService REST bien adapté à la nouvelle norme de la DGFIP EDI-Requete) ou au pire en FTPS
    • sécurisation en réutilisant le couple login/mot de passe ou au mieux en demandant à l’entreprise d’importer une paire de clé RSA (certificat autosigné) depuis son compte fiscal vers le logiciel tiers ou inversement
  • proposer aux entreprises un mode EFI pour toutes leurs procédures fiscales
    • il est anormal que le passage du papier au numérique induise de la complexité et un coût supplémentaire (installation d’un logiciel)
    • générer une interface HTML permettant aux contribuables de remplir les formulaires dont ils ont besoin. Générer ensuite le XML qui sera transmis au back-end (de manière transparente pour le contribuable) comme n’importe quel fichier issu d’un logiciel tiers de fiscalité
    • cette interface HTML propose deux modes : un mode liste où l’on liste paires (libellés des champs, valeurs) et un mode formulaire où l’on utilise les templates des formulaires (comme si le contribuable remplissait un formulaire papier actuel)
    • bien évidement, cette interface ne proposerait aucune fonction de pré-calcul comptable. Ce type de fonctions reste la prérogative des logiciels tiers

 

 

 

Continuer la lecture de « Oui à la dématérialisation, non à l’impôt logiciel ! »