Les pouvoirs publics font de la dématérialisation un des fers de lance de la modernisation du pays, et ils ont bien raison. En permettant aux citoyens, entreprises et agents publics de ne plus utiliser de papier, on peut potentiellement dégager du temps et de l’argent pour ceux qui ont le plus besoin d’attention.
La difficulté réside pour le moment dans la fourniture de pièces justificatives. Trois solutions s’offrent classiquement :
- transmettre les pièces justificatives au format papier en joignant un récépissé contenant le numéro de la procédure commencée en ligne
- demander à l’utilisateur scanner les pièces ou de fournir des documents déjà disponibles au format électronique (factures par exemple) et joindre au dossier en ligne
- mettre en place un système de transmission des pièces entre les différentes institutions produisant les pièces et l’administration destinatrice
Les deux premières solutions le document est non-structuré. Cela impose une validation manuelle des pièces par un agent ; il n’est donc pas question d’instruire automatiquement le dossier. La troisième solution impose de mettre en place des normes et des dispositifs lourds dans un nombre pré-défini d’institutions. D’autre part, dans un contexte de méfiance face aux interconnexions abusives de données des gouvernements, une part croissante de la population renoue avec les inquiétudes nées du projet Safari(provoquant la création de la CNIL) dans les années 1970.
Une alternative très intéressante réside dans la norme ouverte 2D-DOC (créée par la société AriadNEXT puis publiée sur le site de l’ANTS). L’idée consiste à inclure un code-barre 2D (au format data-matrix) sur les documents récapitulant les données du document et contenant le hash de la signature électronique de l’entité émettrice. Ainsi, l’on dispose d’une sécurisation électronique transposable sur support papier. Contrairement à des fichiers structurés signés électroniquement (factures EDIFACT ou ebXML par exmple), le contenu reste toujours « human readable ». Les personnes technophobes pourraient instruire leur dossier avec une facture d’électricité papier (pièce déjà scannée par les services courrier) et les plus technophiles directement avec une facture PDF de leur opérateur télécom par exemple. Cela permet donc de passer progressivement vers une instruction automatisée des dossiers administratifs dans les cas relativement standards. On limite ainsi tout risque d’amplification de la fracture générationnelle ou numérique. Pourrait-on imaginer à terme une instructions totalement automatique de 80% des dossiers de bourse CROUS par exemple ?
L’autre avantage indéniable est la non centralisation du processus. La mise en place de la transmission des actes d’états civil par COMEDEC est une démarche lourde : écrire une norme spécifique au besoin, créer une plateforme centrale, signer des conventions avec les mairies et les notaires… Ce genre de démarche se justifie probablement pour des choses hautement sensibles et régaliennes comme l’état civil mais parait difficilement généralisable pour des justificatifs de domicile par exemple. Là est toute la beauté de 2D-DOC. Le contexte politique est à un troisième acte de décentralisation. Les collectivités territoriales auront donc probablement de plus en plus de procédures propres. L’ouverture et la souplesse de 2D-DOC permet à toute structure de se lancer dans la dématérialisation à son rythme… tout en repoussant la menace de Big-brother. Les structures les plus innovantes montreront la voie aux autres. Rien n’empêche à posteriori de créer des plateforme type COMEDEC pour des besoins spécifiques ou des démarche très pénibles pour les citoyens. Entre temps, administrations (et entreprises !) et utilisateurs auront gagné du temps et de l’argent.
Techniquement deux petits détails me dérangent dans 2D-DOC :
- la taille d’un code barre étant limitées, les certificats électroniques (la clé publique permettant de vérifier l’authenticité d’une signature) sont déportés sur internet. Cependant, ceux-ci semblent actuellement disponible dans un répertoire centralisé. La résilience est donc limitée.
- la liste des documents « encodables » est ancrée en dur dans la norme. Ajouter un nouveau type de document (attestation d’assurance responsabilité civile par exemple) nécessite donc de réunir un nouveau comité de normalisation et de repasser toutes les étapes de validation. Un champ permettant d’indiquer l’URL d’extensions pourrait assouplir la norme.
Avec le déploiement de projets comme COMEDEC, ACTES, HELIOS ou CASSIOPEE, les agents publics disposeront tous bientôt d’une carte professionnelle contenant un certificat 3 étoiles conforme au RGS permettant de signer électroniquement un document avec une valeur légale identique à la signature manuscrite. Les faibles pré-requis d’infrastructure pour généraliser 2D-DOC sont donc réunis.
Outre l’ajout d’un champ contenant une URL d’extension de la norme, l’enrichissement de celle-ci devrait rapidement porter sur les documents suivants, couramment demandés :
- certificats de scolarité
- attestation d’assurance (au moins habitation, responsabilité civile et auto/moto)
- certificats médicaux d’aptitude
- prescriptions médicales (doublon avec le projet de dématérialisation des ordonnances de l’ordre des pharmaciens ?)
Ajouter le support de 2D-DOC aux factures acceptées sur Chorus-factures ferait également sens.
La dernière chose pour permettre aux collectivités de commencer à utiliser 2D-DOC serait de modifier par la voie règlementaire (ordonnance, décret…) ou à défaut législative(peut-être dans le PLF 2015) les codes régissant les grands secteurs règlementés produisant ces pièces justificatives (compagnies d’assurance, de télécom, distributeurs d’électricité ou de gaz, établissement scolaire…) pour les obliger à inclure 2D-DOC dans leur chaîne d’éditique. Les modifications étant raisonnables, on pourrait imaginer une entrée en vigueur très rapide à l’échelle de l’administration, d’ici 12 ou 24 mois. Ensuite, à chacun d’utiliser ou non la capacité de vérification automatique de ces documents dans ce nouveau cadre d’innovation ouverte.