Le gouvernement, sur conseil de la DISIC, vient d’acter l' »abandon » du projet d’opérateur national de paie (plus de détails ici).
Actuellement les fonctionnaires sont payés par transfert de fichiers de paie entre les ministères (et services décentralisés) et les SLR (services liaisons-rémunérations) locaux de la DGFiP. À la DGFiP c’est l’application PAY qui assure depuis 40 ans le traitement de ces fichiers et l’envoi des ordres de virement. Les technologies supportant PAY n’étant plus maintenues et l’architecture de celle-ci étant obsolète, ONP ou pas il va bien falloir la remplacer.
Quelques caractéristiques un peu particulières du système actuel auxquelles devait remédier le SI de l’ONP :
- la paye du mois précédent est prise par défaut. Ne pas apparaitre dans le fichier de mouvements équivaut à être payés comme la paie précédente
- les fichiers ministériels envoyés avant le 20 du mois n correspondent à la paie qui sera versée à la fin du mois n+1
- le ministère de la fonction publique ne dispose d’aucun info-centre précis sur sa masse salariale (concernant les trois fonctions publiques)
Outre le remplacement de cette application cruciale en fin de vie, le projet ONP ciblait de nombreuses avancées. Il prévoyait une normalisation des processus de paie sans pour autant contraindre de trop les ministères : ceux-ci concevait un SIRH indépendant mais fortement interfacé (au travers du noyau FPE). Ainsi lorsque les SIRH actuels transferts des sommes à PAY, seuls des évènements de gestion (naissance d’un enfant, changement d’échelon…) auraient été transférés entre le SIRH est l’ONP. D’autre part, et au moins aussi important, l’organisation des services de paies évoluait en voyant la création de services spécialisés (un peu comme les services facturiers mis en place dans la foulée de Chorus) : les PESE (pôles d’expertise et de services). Il était donc prévu une mise en place de « bonnes pratiques » au niveau organisationnel ; ce qui fait le plus souvent défaut aux projets informatiques (comme Louvois et le programme SOURCE).
Si l’arrêt de ce chantier peut nous éviter une dérive budgétaire énorme ou des problèmes de rémunération comme Louvois pourquoi pas. Cependant il est à nuancer car les paies des militaires paraissent bien plus complexes que celles des fonctionnaires non-militaires. D’autre part, les statistiques officielles du mastodonte Chorus nous indiquent si le dépassement initial du budget a été conséquent, les coûts de maintenance annuels sont en dessous des prévisions. D’un point de vu budgétaire maintenir PAY en fonctionnement est également coûteux voire techniquement dangereux.
D’autre part, des dizaines de projets gravitent autour du raccordement à l’ONP(via l’intégration du référentiel de paie de l’État, le noyau FPE). Les crédits déjà consommés purement et simplement jetés à la poubelle sont donc plus important qu’annoncés. Dans le contexte politique actuel, on peut également douter de l’opportunisme de l’exécutif face à l’engagement de trouver 50 milliards d’économies dans les prochaines années… économies qui devaient être au départ structurelles et non conjoncturelles ou contre l’investissement.
Va-t-on jeter le bébé avec l’eau du bain : la réorganisation des services, l’urbanisation des SI ministériels (et des opérateurs prévus en paye à façon) ?
Louvois, SI paye, la prochaine victime ne serait-elle pas SIRHEN ? L’audit du cabinet Neoxia/Deloitte met en effet à l’épreuve ce programme du secrétariat général de l’éducation (MEN, MESR…) sur 2014. Les projets RH semblent confrontés à la complexité incommensurable des systèmes de paie des agents publics. Une réforme structurelle profonde de la fonction publique (la fusion en corps interministériels par exemple) semble un prérequis au prochain changement de système ; dans une vingtaine d’années. À noter que la simplification du système de primes et leur moindre recourt serait aussi bénéfique pour rendre comparables les systèmes de retraite privé/public et réformer de manière égalitaire et juste.
Je suis curieux de voir comment va évoluer la situation car quoiqu’il en soit… PAY doit mourir.
MAJ : une version isofonctionnelle de PAY en Java serait à priori re-développée en interne à la DGFiP (détails).
MAJ du 7 avril 2014 : quelques précisions sur les points développé si dessus début mars dans l’article de silicon.fr du 4 avril 2014
MAJ du 24 avril : le rapport du directeur de la DISIC ayant mené à la fin du programme est disponible Rapport-jmarzin-pdf
MAJ du 22 mai : un nouveau décompte incluant les SIRH ministériels. Il est malgré tout impossible de connaître le surcoût induit par l’intégration du noyau FPE lors de leur refonte, nécessaire en soit. Article du silicon.fr du 21 mai 2014